La faiblesse des taux d’intérêt qui va se prolonger plus longtemps que prévu pousse les grands prêteurs européens à réviser leurs ambitions. Dans cet environnement, la banque italienne UniCredit a revu à la basse son objectif de chiffre d’affaires et le groupe allemand Commerzbank juge ambitieux d’améliorer son bénéfice annuel.

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À l’occasion de la présentation de leurs résultats trimestriels, mercredi 7 août, plusieurs grandes banques européennes ont averti que la faiblesse des taux nuirait à leurs activités, observe le Financial Times.

En effet, UniCredit, la deuxième plus grande banque italienne en termes de capitalisation boursière dirigée par le français Jean-Pierre Mustier, a revu à la baisse son objectif annuel, visant désormais un chiffre d’affaires de 18,7 milliards d’euros au lieu des 19 milliards visés initialement. Son patron justifie cette correction par “l’environnement actuel où les taux devraient rester plus longtemps à la baisse”.

Jusqu’il y a peu, de nombreux prêteurs de la zone euro espéraient que la BCE relèverait ses taux d’intérêt pour la première fois depuis une demi-décennie, ce qui aurait permis de booster les revenus qu’ils gagnent en prêtant de l’argent aux particuliers et aux entreprises. Mais, c’était sans compter l’assombrissement des perspectives économiques mondiales, plombées notamment par un net repli industriel en Allemagne, un possible hard Brexit et de fortes tensions commerciales entre Pékin et Washington.

Nouvelle baisse attendue du taux de dépôt de la BCE
Pour soutenir l’activité économique, la BCE s’apprête ainsi à maintenir sa politique monétaire accommodante. Le 25 juillet dernier, elle a ouvertement évoqué le fait qu’elle pourrait baisser ses taux d’intérêt dans les mois à venir. La banque centrale européenne devrait ainsi réduire en septembre son taux de dépôt, fixé pour l’instant à -0,4% et qui se traduit par une charge pour les banques qui déposent leur liquidité à la banque centrale. Les marchés anticipent un taux ramené à -0,6% d’ici à la fin de l’année. Toutefois, selon les calculs de Reuters, les banques de la zone euro pourraient bénéficier d’un lot de consolation de plusieurs milliards d’euros si la Banque centrale européenne décidait de moduler le coût qu’elle facture à leurs dépôts.

Quoi qu’il en soit, Commerzbank, la deuxième banque allemande, a elle aussi révisé ses ambitions. Elle a ainsi prévenu mercredi que son objectif d’amélioration de son bénéfice annuel apparaissait désormais “beaucoup plus ambitieux” au regard de la détérioration sensible de la situation macroéconomique et géopolitique. En dépit des gains de clientèles sur le trimestre écoulé (108.000 net dans la banque de détail) les défis continuent de croître, a résumé son patron Martin Zielke.

Les taux négatifs de la BCE en sont un, “mais l’intention n’est pas de les répercuter à nos clients privés”, assure Stefan Engel, le directeur financier du groupe allemand. Mais “si la tendance prévalait sur le marché, nous devrions regarder de plus près”, a-t-il tout de même concédé.

UBS fait payer les taux négatifs à ses clients
La banque suisse UBS, elle, a déjà franchi ce cap. Elle a annoncé qu’elle ferait payer des frais pour les dépôts en euros au sein de sa branche suisse face à la faiblesse persistante des taux d’intérêt. A partir de novembre, des frais annuels de 0,6% seront perçus sur les dépôts de plus de 500.000 euros pour les clients en Suisse, a-t-elle précisé à l’AFP. Jusqu’à présent, ces frais s’appliquaient à partir d’un million d’euros.

“Les conditions sur les marchés monétaires et les capitaux restent très difficiles. Les taux d’intérêts sont plus faibles qu’attendus, se maintenant en terrain négatif”, a indiqué la banque pour expliquer sa décision.

En France, BNP Paribas a également reconnu que les taux bas allaient impacter ses revenus, mais pas sur l’exercice 2019. “La “guidance” [prévision] sur 2019 ne change pas, et sur 2020, bien sûr, les taux vont avoir un impact sur les revenus. Pourra-t-on tout compenser ? Sûrement pas », a reconnu Thierry Laborde, le directeur des marchés domestiques, lors de la présentation des résultats trimestriels le 31 juillet dernier. « Nous avons pris de nouvelles initiatives sur les coûts, et nous avons l’activité d’assurance et des relais [de croissance] pour générer des revenus. Ceci dit, cet environnement est aussi une bonne nouvelle pour le coût du risque”, a-t-il relevé.

Une tendance mondiale
De son côté, Société Générale s’était montrée plus confiante lors de la publication de ses résultats. Interrogé sur la perspective d’une baisse des taux en Europe, son directeur général, Frédéric Oudéa, a indiqué :

“La baisse des taux touche fondamentalement la banque de détail. Or, seulement 10% de nos revenus sont directement impactés par les taux en zone euro, sur la marge sur les dépôts collectés essentiellement. Nous ne changeons pas notre ‘guidance’ annuelle ni celle de 2020 pour notre banque de détail en France.”

Cet environnement de taux bas n’est pas propre à l’Europe. Le 31 juillet dernier, la Fed a abaissé ses taux d’intérêt pour la première fois depuis la crise de 2008 et d’autres baisses pourraient suivre. Cette tendance s’observe ailleurs dans le monde. Mercredi, l’Inde, la Nouvelle-Zélande et la Thaïlande ont, elles aussi, abaissé leur loyer de l’argent pour faire face à un risque de ralentissement économique.