
L’épidémie a pris des proportions dramatiques, saturant les hôpitaux. Le gouvernement se voit reprocher de ne pas avoir assez agi lors des fêtes de fin d’année.
Une montée brutale sans perspective de répit. Pour saisir la mesure du cataclysme portugais, les courbes épidémiques sont éloquentes. Au printemps, le pays avait atteint son pic, à 800 nouveaux cas quotidiens à la fin mars. Aujourd’hui, il enregistre chaque jour près de 15 000 nouveaux malades du Covid-19. La région de Lisbonne est la plus durement touchée. Dans les hôpitaux, les soignants décrivent une situation chaotique.
«Nous sommes désespérés, témoigne Luís Miguel Janeiro Mós, président régional du Sindepor, le syndicat des infirmiers portugais. La pression est très forte. Nous vivons dans la peur de faire une erreur.» L’homme de 54 ans travaille à l’hôpital d’Amadora-Sintra, situé au nord de la capitale. L’établissement accueille selon lui presque trois fois plus de patients Covid que sa capacité. La semaine dernière, il a fallu transférer plusieurs dizaines de malades vers d’autres hôpitaux du secteur, faute d’une quantité suffisante d’oxygène. Pour Luís Mós, cet épisode est symptomatique de la désorganisation du système hospitalier. Le nombre de lits disponibles n’est pas centralisé. Pour répartir les patients, «les hôpitaux se débrouillent au jour le jour».
Les images du convoi d’ambulances attendant de décharger leurs patients devant l’hôpital Santa-Maria de Lisbonne ont fait le tour des médias, illustration frappante d’un système de santé englouti par la violence de cette nouvelle vague. «Clairement, les choses vont très mal», a admis mercredi le Premier ministre, António Costa. Le lendemain, le Parlement renouvelait l’état d’urgence jusqu’au 15 février. Le chef du gouvernement n’a pas cherché à arrondir les angles : «Inutile de se faire des illusions, le pire va encore durer.»
Réveillon
Pour tenter de lutter contre la propagation du virus, le pays a mis en place un nouveau confinement le 15 janvier, pour la première fois depuis le printemps. Quand de nombreux pays s’étaient refermés au mois de novembre, le Portugal avait laissé ses restaurants ouverts et choisissait un couvre-feu – 23 heures en semaine, 13 heures le week-end – accompagné de restrictions de circulation. Des mesures levées à Noël pour permettre aux Portugais de passer le réveillon en famille, dans le respect des précautions sanitaires.
Les autorités n’avaient-elles pas pris la mesure de l’épidémie ? «Nous sommes arrivés aux vacances de fin d’année avec un taux d’incidence très haut», pointe l’épidémiologiste Manuel Carlo Gomes, professeur à la faculté de sciences de Lisbonne et membre de la commission de vaccination de la direction générale de la santé. Les Portugais se sont donc retrouvés pour célébrer Noël et «en à peine quatre ou cinq jours, il y a eu une forte augmentation du nombre de contacts. Simultanément, les gens ont sous-estimé leurs symptômes et ne sont pas allés chez le médecin», juge l’épidémiologiste. Il chiffre à 5 000 le nombre de cas non diagnostiqués pendant cette période. Compte tenu de la contagiosité du Sars-CoV-2, et de l’apparition du variant britannique début décembre, les conditions étaient réunies pour une croissance exponentielle de la pandémie.
Résignée
Manuel Carlo Gomes regrette que le gouvernement n’ait pas agi dès la fin des vacances. La sentence est tombée mi-janvier, alors que les chiffres dépassaient déjà les 10 000 nouveaux cas par jour. Fermeture des commerces non essentiels et télétravail obligatoire. Une semaine plus tard, le gouvernement a fermé les écoles. Avec un mot d’ordre : «Fiquem em casa», restez à la maison. A Lisbonne, les rues se sont vidées. Pour dissuader les flâneurs, la police a tendu du ruban de balisage le long de la promenade qui borde le Tage et sur la plupart des bancs publics de la ville. Le bourdonnement de la capitale s’est tu. Le week-end, on n’entend guère que les scooters des livreurs à domicile sur les pavés du centre-ville.
L’espoir, c’est peut-être le vaccin. La campagne a débuté fin décembre. Le personnel soignant et les personnes âgées sont ciblés en priorité. Selon les projections, les hôpitaux pourraient sortir la tête de l’eau fin mars. En attendant, pour soulager un système à bout de souffle, le gouvernement creuse la piste d’une aide européenne. Dimanche, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a annoncé sur Twitter que son pays allait accueillir des patients portugais.
Devant l’église Saint-Roch, dans le très touristique Bairro Alto, Catarina contemple la place déserte. «C’est du jamais-vu, constate-t-elle, presque incrédule. Il y a un an, un samedi après-midi ici, c’était plein de monde.» Face au confinement, la jeune femme est résignée : «Ce n’est facile pour personne mais je pense qu’il n’y avait pas d’alternative.» Assistante administrative, elle doit travailler depuis chez elle avec sa fille de 4 ans. Elle s’inquiète pour ses parents, âgés et fragiles, mais veut rester optimiste. «Il faut garder espoir, nous n’avons pas le choix. La situation ne peut que s’améliorer.»
Compilé par le personnel du Conseil du PECO