En Moselle, un chargé de clientèle de La Poste déplore le fonctionnement de l’entreprise et raconte avoir connu plusieurs burn-out.

« Dix-huit ans de galère » : c’est ainsi qu’Émilie*, 38 ans, résume ses années de travail comme chargée de clientèle à La Poste en Moselle.

Avec Lorraine Actu, elle raconte son histoire et comment elle en est venue à souhaiter “qu’on mette [la] hors de cette boîte”.
Des chefs absents et une clientèle difficile

En 2005, Emilie rejoint La Poste après un an d’apprentissage et travaille comme chargée de clientèle dans des petits villages de Moselle. Après dix ans de travail sans le moindre problème, elle est envoyée en agence à Metz.

Là-bas, la « clientèle [est] très difficile. Chaque jour, un agent de sécurité se rendait sur le site. Et quand nous avons appelé notre manager, personne n’est venu.

Une absence de management qui commence à peser et un management qui laisse à désirer, selon elle : “On impose des choses aux gens mais toujours aux mêmes”.

En 2015, elle réalise un stage encadré par une connaissance : « Je suis tombée malade et il n’a pas voulu allumer le chauffage. J’ai voulu faire une pause de 5 minutes, ce qu’il a refusé. Quand j’ai voulu m’appuyer sur mes notes pour refaire certains exercices par moi-même, il m’a répondu : ‘Non, tu le fais. Ce n’était plus la même personne depuis que je travaillais avec lui”.

Plusieurs burn-out

Suite à cet épisode, toujours en 2015, Emilie pleure sur son lieu de travail et se rend chez le premier médecin qu’elle trouve : « J’ai pleuré sur le comptoir et on m’a dit de me calmer. L’après-midi, j’ai vu un psychologue et j’ai été en arrêt de travail pendant deux mois ».

Au retour de cet arrêt, Emilie demande à changer d’agence puisque « tout le monde était dans le coin, sauf moi ». En 2016, elle est mutée dans une autre agence à Metz.

  Une collègue - qui est là depuis des années - venait toujours frapper à la porte car elle ne savait rien, il fallait tout lui expliquer dix fois. Elle est allée voir mon patron pour lui dire que je ne faisais rien. Lorsque cette dernière est venue en semaine, j'ai demandé à lui parler mais elle m'a dit qu'elle n'avait pas le temps, alors que ma collègue est venue la voir. Alors moi, ils ne prennent pas le temps de m'écouter et ils ne me donnent pas le droit de répondre.
  Emilie
  Chargée de clientèle chez La Poste

Au fil des semaines, la tension monte : “J’ai encore paniqué et j’ai été suspendue cinq mois”, raconte-t-elle.
“Je me détruis”

Après ces différents burn-outs, Emilie se rend compte que son travail « lui bouffe la vie ». “Je n’en peux plus”, a-t-elle déclaré. Je me détruis tout seul, je dois arrêter et trouver une solution moi-même car personne ne fait rien ».

  Nous sommes en train de massacrer le personnel, de commettre un suicide social. Il n'en peut plus, il est épuisé et on se fout du mal-être au travail à La Poste. En 2022, La Poste n'a jamais eu autant d'intérimaires dans notre secteur, les départs à la retraite ne sont pas remplacés. C'est un fiasco, ce qui se passe. On propose des idées pour avancer mais rien ne se passe et les dirigeants sont absents. Nous sommes seuls au monde mais nous avons la chance d'être une équipe soudée.
  Emilie
  Chargée de clientèle chez La Poste

Émilie quitte la Lorraine et s’installe à Paris pendant un an. Mais c’est sans compter sur la pression familiale : « Mon père travaillait aussi à La Poste et j’y suis finalement retourné. Je suis revenu par dépit ».
Trajets annoncés la veille pour le lendemain

En 2018, elle retrouve les services de La Poste en Moselle où elle réalise une « rencontre sur l’expérience client alors qu’on y est depuis 18 ans. Nous avons dû apposer un autocollant sur un schéma pour nous situer par rapport à notre ressenti et notre progression par rapport à l’expérience client. Quand j’ai demandé le nom de ce dispositif, le responsable de la formation m’a répondu que c’était « l’arbre à marionnettes ».

Puis, elle évoque le mois d’octobre 2022, quand le pays fait face à une pénurie de carburant. Une période où elle doit “rendre des services” à droite et à gauche, étant parfois prévenue la veille pour le lendemain.

  Le mardi, on me dit que je dois aller dans telle ou telle ville le lendemain. Quand j'y vais, on me dit finalement de fermer l'agence et d'aller dans une autre ville. Le jeudi, on me dit que je dois encore aller dans une autre ville samedi. Mon patron a fait ce qu'il voulait. Il m'a envoyé un message le jeudi après-midi, alors que je ne travaillais pas, pour que je puisse faire du dépannage la semaine suivante dans une nouvelle ville.
  Emilie
  Chargée de clientèle chez La Poste

Emilie rappelle que « quand on est déménagé, il faut être prévenu sept jours avant, mais mon patron ne l’a jamais respecté. Mais je dis toujours Amen comme un idiot.

“Ma hiérarchie […] pense que tout est permis”

Depuis octobre 2022, Émilie dépose des arrêts maladie que nous avons pu consulter : « J’ai demandé une rupture conventionnelle. Je ne pars pas à cause de la clientèle, j’aime les gens et être serviable, et je n’ai aucun problème avec mes collègues. J’aime mon travail mais c’est ma hiérarchie qui me pose problème et qui pense que tout est permis”.

Après un rendez-vous avec le médecin du travail en janvier dernier où “le temps a été mesuré”, Emilie a envoyé un courrier au directeur des ressources humaines (DRH) “où [elle] explique ce qui se passe”.

Et c’est un collaborateur du réalisateur qui lui a répondu (email dont nous avons également pu obtenir une copie). « J’aurais tellement aimé être en contact direct avec mon DRH en personne car aucun de mes collègues du service client ne l’a jamais vu », regrette Emilie.
Plusieurs systèmes mis en place pour soutenir le personnel

Contactée par nos soins, La Poste assure prendre en compte l’inconfort de son personnel.

  [Il existe] des services de santé présents sur tout le territoire (plus de 100 médecins du travail, 120 infirmiers en médecine du travail et plus de 100 auxiliaires de santé au travail), un réseau de 200 travailleurs sociaux, un dispositif interne « d'accompagnement des postiers », mis en place en 2012, permettant de signaler par mail une situation individuelle pouvant poser problème afin d'obtenir en retour les conseils nécessaires ou encore un dispositif d'écoute et de soutien psychologique par téléphone, mis en place en 2014, qui permet à tout postier de faites appel à un psychologue externe 24h/24 et 7j/7 dans un cadre anonyme et confidentiel.
  La poste

Ce sont “plusieurs dispositifs prévus pour que chacun puisse trouver le soutien nécessaire au sein de l’entreprise en cas de difficulté”, selon La Poste.