Un succès. Au moment même où Xi Jinping pose le pied sur le sol hellénique, le 10 novembre 2019, les médias et personnalités politiques grecs saluent ce moment historique. La simple présence du président de la République populaire de Chine ravit, excite et rassure les milieux diplomatiques et économiques. La première visite d’un président chinois en Grèce depuis onze ans est un symbole fort des liens entre les deux pays. Une semaine plus tôt, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis était en Chine pour le Forum économique de Shanghai afin de promouvoir son pays, répétant à l’envi que “la Grèce est ouverte aux affaires”. Le message est passé.
Seize accords bilatéraux ont été signés entre les deux pays lors de la visite de Xi Jinping à Athènes. La mise en place de la Banque de Chine, l’exportation de kiwis grecs ou les investissements chinois dans des projets énergétiques s’inscrivent, entre autres, dans une dynamique croissante des relations économiques.
Celles-ci ont pris une nouvelle dimension en 2009 lorsque la compagnie chinoise Cosco (China Ocean Shipping Company) est entrée au capital du Pirée, premier port grec et l’un des plus importants de Méditerranée. En 2016, la société chinoise en est devenue le principal gestionnaire après avoir racheté 51 % du port, et en détiendra bientôt 67 %. Un établissement « gagnant-gagnant » en croissance et stratégique selon les acteurs économiques et politiques du pays.
« La Grèce bénéficie de la concrétisation du rêve du président chinois, le Marco Polo du XXIe siècle », se réjouit Nicolas Vernicos, président de la Chambre de commerce internationale en Grèce. « Xi Jinping veut laisser un héritage aux routes de la soie et la Grèce est sur cette route. Nous sommes une porte d’entrée vers l’Europe.
Une position géographique favorable évidente pour la Grèce, une porte d’entrée naturelle entre l’Est et l’Ouest et la première terre européenne pour les navires accédant à la Méditerranée depuis le canal de Suez. Idéal pour vendre des marchandises sur le vieux continent. En 2018, les exportations chinoises vers l’Europe ont atteint 395 milliards d’euros et rien ne semble indiquer une baisse de ces chiffres.
Visas dorés
L’objectif est clair pour Cosco : faire du Pirée le premier port de commerce d’Europe. Au total, les investissements devraient s’élever à plus d’un milliard d’euros, permettant le développement du port et des infrastructures environnantes – centre commercial, marina, hôtels de luxe – dans le cadre d’un « Master Plan » ambitieux.
« La gestion est meilleure, la productivité plus élevée. Les conséquences ne sont que positives, personne ne s’en plaint en Grèce », assure Nicolas Vernicos, balayant les réticences des riverains, les protestations des syndicats et les objections des archéologues face à ce développement titanesque.
Pas question non plus de critiquer les investissements chinois dans les bureaux de V2 Development, l’une des principales agences immobilières de Grèce. Celui-ci a connu une croissance remarquable depuis le lancement du programme « Golden Visa », permettant aux citoyens non européens de bénéficier d’un visa européen en échange d’un investissement immobilier pouvant aller jusqu’à 250 000 euros. Mis en place en 2014, ces « visas dorés » ont apporté de l’argent dans un pays en pleine crise économique et sociale.
« La Grèce a besoin d’argent frais. Qu’il vienne de l’Antarctique ou des pingouins, peu importe », déclare Vaggelis Kteniadis, président de V2 Development. Pour l’instant, il vient principalement de Chine. Sur les 17 767 permis accordés depuis 2014, 12 318 ont été accordés à des investisseurs chinois et à leurs familles, selon les chiffres d’Enterprise Greece, l’agence gouvernementale en charge des investissements en Grèce. La Chine est de loin le premier pays bénéficiaire de ce programme, devant la Turquie et la Russie.
Face au parlement grec, en plein cœur d’Athènes, les publicités invitant les investisseurs chinois à devenir propriétaires se sont multipliées. En version originale. “C’est insultant de devoir obtenir un visa pour voyager”, a déclaré Vaggelis Kteniadis. Avec ce programme, les gens peuvent ouvrir une entreprise, développer les échanges commerciaux, employer des salariés », se défend celui qui rêve de transformer la Riviera athénienne en la nouvelle Côte d’Azur.
Au risque de faire flamber le marché immobilier. « La quantité de visas Golden accordés a considérablement augmenté le prix des loyers », analyse Polyxeni Ntavarinou. Chercheuse au département Asie de l’Institut des relations économiques internationales, elle estime que « ce n’est pas une bonne chose. Dans certains quartiers, les habitants n’ont plus la possibilité de se loger. La transformation du parc immobilier s’accompagne de la location de biens sur des plateformes de location courte durée, faisant à nouveau monter les prix.