
Le kiwi : un petit fruit désormais omniprésent sur les marchés et qui pèse lourd dans la balance commerciale de la Nouvelle-Zélande. La semaine prochaine, les producteurs du pays vont devoir décider d’une stratégie dans le conflit qui les oppose depuis des années à la Chine, rapporte la correspondante du Guardian à Wellington : la guerre ouverte ou la solution diplomatique.
Tout commence au début des années 2010. Une nouvelle maladie menace de détruire la moitié des vergers néo-zélandais. Au prix de lourds investissements dans la recherche, la puissante coopérative de producteurs Zespri (plus de 2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020) réussit à sélectionner une variété résistante très prometteuse. Non seulement le kiwi Sungold – c’est son nom commercial – présente une chair jaune plus savoureuse que celle de ses rivaux et une peau parfaitement lisse, mais il se révèle en outre particulièrement productif. Grâce à lui, les vergers renaissent sur la Terre du long nuage blanc :
Sungold a été la poule aux œufs d’or de Zespri et la coopérative s’est empressée de déposer la marque dans tous les pays du monde. Le kiwi jaune a bientôt dépassé le vert dans les exportations et le secteur s’est reconstruit en partie grâce au Sungold.”
Un conflit qui dépasse de loin le secteur
Mais en 2016 une enquête révèle que des vergers de kiwis Sungold prospèrent en toute illégalité au Sichuan, où des millions de greffons ont été importés en contrebande. Le responsable est un certain Haoyu Gao, ressortissant chinois propriétaire en Nouvelle-Zélande d’un verger à Opotiki, dans la région de Bay of Plenty. L’affaire est bientôt portée en justice et la Haute Cour néo-zélandaise condamne le coupable à verser 14 millions de dollars néo-zélandais de dommages et intérêts à Zespri.
Mais faute de soutien du côté des autorités chinoises, les vergers de Sungold continuent à s’étendre en toute impunité dans le Sichuan. Selon Zespri, les superficies cultivées illicitement ont même doublé entre 2019 et 2021 et attendraient aujourd’hui plus de 5 200 hectares – au point que la production chinoise serait déjà au moins égale au volume exporté en Chine par les producteurs néo-zélandais.
Pour la Nouvelle-Zélande, la portée du conflit dépasse de loin le seul secteur des fruits et légumes : la Chine est le premier partenaire commercial du pays. Jason Young, directeur du Centre de recherche sur la Chine contemporaine à l’Université Victoria, commente ainsi la situation :
Que se passe-t-il quand vous perdez le contrôle de votre propriété intellectuelle sur le marché chinois ? C’est toute la question que pose l’affaire Zespri.”
À l’origine, le kiwi est bel et bien un fruit chinois
Conscient des risques – et sous la pression discrète du gouvernement néo-zélandais –, Zespri pencherait plutôt pour la négociation. En échange de l’abandon de poursuites dont l’issue est plus qu’incertaine, la coopérative propose un deal aux producteurs chinois : elle serait prête à acheter les kiwis chinois pour les revendre dans le monde entier sous sa marque Sungold.
Reste que la situation a quelque chose d’ironique. Car à l’origine le kiwi est bel et bien un fruit chinois, explique The Guardian. Arrivé en Nouvelle-Zélande en 1904, il s’est révélé particulièrement bien adapté au climat local et les producteurs néo-zélandais, devenus exportateurs dans les années 1950, ont réussi un magistral coup de marketing en lui donnant – à cause de sa couleur – le nom de l’oiseau emblématique du pays :
Aux yeux des Européens et des Américains, le fruit a été peu à peu identifié à la Nouvelle-Zélande. À l’époque, la Chine n’avait pas beaucoup de recours face à un tel phénomène : un fruit d’origine locale commercialisé à grande échelle sous le signe d’un autre pays. Mais aujourd’hui, c’est la Nouvelle-Zélande qui se retrouve en position délicate.”
Compilé par le personnel du Conseil du PECO