Ici, des malades allongés sur le sol, d’autres alignés sans fin dans les couloirs d’un hôpital. Là, une morgue, des sacs en plastique entassés par terre. Ici encore, des ambulanciers désespérés qui voient leurs patients âgés refusés à l’entrée des dispensaires… La Russie du Covid-19 se dévoile à travers l’objectif tremblant de téléphones portables, dans de courtes séquences qui montrent un système de soins dépassé.

Ces vidéos, qui par dizaines envahissent Internet, dérangent. Déjà, plusieurs établissements de santé ont banni les téléphones portables. Le ministère de la santé, lui, interdit aux médecins de s’exprimer dans les médias sans autorisation. Ces nouvelles règles s’ajoutent à une loi sur les fausses nouvelles qui a été renforcée lors de la première vague de l’épidémie.

Peine perdue : les cris d’alarme sont de plus en plus désespérés, et la presse, à la différence de la télévision, s’en fait le relais. A Jeleznogorsk, dans la région de Krasnoïarsk, les habitants sont obligés de se cotiser pour fournir des thermomètres à l’hôpital local. A Omsk, les ambulanciers amènent les malades devant le ministère de la santé, en signe de protestation.

« A Arkhangelsk, d’où je reviens, j’ai vu des malades en grève de la faim pour exiger des médicaments, témoigne Anastasia Vassilieva, présidente de l’Alliance des médecins, seul syndicat indépendant. On partait déjà de très loin, avec des établissements vétustes, et la situation n’a cessé de se dégrader. A Oulianovsk, il y a un médecin pour 400 patients, un infirmier doit faire 600 injections par jour. Les respirateurs artificiels manquent d’oxygène… »