Le Royaume-Uni veut revenir sur certains engagements, en violation présumée du droit international, s’exposant à des «conséquences graves» de Bruxelles. La livre tombe au plus bas depuis fin juin face à l’euro et au dollar.

Les négociations post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne semblent plus que jamais dans l’impasse. Si les marchés ont longtemps cru au bluff de Boris Johnson, ils semblent désormais prêts à rompre les liens avec l’Union européenne de manière brutale, après la récente fixation d’une échéance puis le lancement d’un ultimatum à Bruxelles! Contre l’euro, la livre sterling a perdu 0,14%, à 90,85 pence pour un euro. Vers 07h00 GMT, il est tombé à 91,07 pence pour un euro, un niveau jamais vu depuis fin juin également.

“Le livre attend nerveusement la divulgation du texte de Boris Johnson sur le marché intérieur qui viole le droit international”, a commenté Connor Campbell, analyste chez Spreadex, tandis que le huitième cycle de négociations sur la relation post-Brexit, qui s’est ouvert mardi, devrait dernier jusqu’à jeudi. La volonté britannique de réviser certaines parties de l’accord régissant la sortie de l’UE fin janvier dernier, révélée lundi par le Financial Times, a surpris les Européens. Remontés, ils ont rappelé à Londres ses obligations et mis en garde contre un coup porté à la «confiance». Boris Johnson lui-même sera en première ligne lors des questions hebdomadaires du Premier ministre au Parlement, à partir de 11h00 GMT.

«Les investisseurs voient un plus grand risque de (Brexit) aucun accord émergent», a déclaré Neil Wilson, analyste pour Markets.com. “Jusqu’à présent, plusieurs investisseurs et experts britanniques pensaient que Boris Johnson ne faisait que bluffer et qu’un compromis serait enfin trouvé”, a déclaré Ulrich Leuchtmann, analyste chez Commerzbank. “Au vu du comportement du gouvernement de Boris Johnson, cette théorie n’est plus très crédible”, a-t-il dit, alors que la question semble diviser le marché.

Le Premier ministre Boris Johnson, l’un des architectes du Brexit, affirme qu’une sortie aussi brutale de l’Union européenne représenterait “un bon résultat” permettant au pays de “prospérer” car il aurait “la liberté de conclure des accords commerciaux avec tous les pays. du monde “. Mais pour de nombreux économistes, ce scénario porterait “un autre coup dur à l’économie britannique (…) qui se remet à peine du plus gros choc dont on se souvienne”, fait valoir à l’AFP Jonathan Portes, professeur d’économie au King’s College de Londres.

Un Brexit sans accord “pourrait être plus coûteux que le Covid-19” car étalé sur une période plus longue, suggère même Thomas Sampson, économiste à la London School of Economics (LSE), dans une étude récente. Les relations commerciales britanniques avec l’Union européenne seraient alors régies par les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cela s’accompagnerait d’une réintroduction de droits de douane parfois punitifs, notamment sur les composants alimentaires ou industriels, quelques mois après la fin de l’aide gouvernementale au maintien de l’emploi mise en place pour atténuer l’impact de la pandémie, et qui se terminent fin octobre. . Le précédent gouvernement conservateur lui-même avait estimé fin 2018 qu’un tel scénario réduirait le produit intérieur brut (PIB) britannique de 7,6% sur une période de 15 ans.

Si des secteurs durement touchés par la pandémie, comme la restauration et le transport aérien, semblent immunisés contre le Brexit, l’industrie est en première ligne, car elle dépend du continent pour ses approvisionnements et ses débouchés. Le géant de l’aérospatiale Airbus prévoit de réduire ses investissements dans le pays, et les grands constructeurs automobiles étrangers pourraient faire leurs valises au risque d’assister à des fermetures d’usines et à des pertes d’emplois. Le japonais Nissan a, selon le Financial Times, choisi de reporter, d’octobre à avril 2021 au mieux, la production de son nouveau Qasqai au Royaume-Uni, le temps notamment de voir comment la marée va tourner.

Même le milliardaire pro-Brexit Jim Ratcliffe semble avoir renoncé à construire son 4×4 au Pays de Galles et cherche à le produire dans une usine française. De leur côté, en cas de Brexit sans accord, les consommateurs britanniques seraient confrontés à des prix plus élevés dans les supermarchés puisque le Royaume-Uni importe une grande partie de ses produits alimentaires, tels que les fruits, les légumes et le poisson.

L’impact sur l’industrie et les ménages «pourrait encore accroître les inégalités au Royaume-Uni», prévient Josh De Lyon, économiste à la LSE, interrogé par l’AFP. Malgré ces risques, le gouvernement conservateur mise sur son projet «Global Britain» et sur la négociation d’accords de libre-échange avec les États-Unis, le Japon, l’Australie et le Canada, même si pour M. De Lyon, «des études montrent que le coût du Brexit va l’emportent largement sur les avantages “de ces accords.

Londres compte également sur la mise en place de ports francs et la reprise des réglementations, quitte à les rendre plus flexibles pour attirer les entreprises et les investisseurs, notamment au profit de son puissant secteur financier. Rejetant l’épouvantail de la déréglementation radicale, Doors estime que “malgré le Brexit, le Royaume-Uni restera une économie florissante avec des secteurs prospères comme la finance, l’enseignement de haut niveau, le droit, etc.”. Selon lui, “le Brexit ne sera pas bon, mais ce n’est pas non plus la fin du monde”.
La France se prépare au pire

La France se prépare “à tous les scénarios” autour du Brexit et, comme l’Allemagne, appelle le Royaume-Uni à “respecter pleinement l’accord de sortie”, a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, à l’issue d’un séminaire gouvernemental à l’Elysée. “Nous sommes prêts à négocier de bonne foi, mais pour cela, il en faut deux”, a déclaré Attal alors que les négociations entre l’Union européenne et les Britanniques reprenaient dans un climat électrique, Londres voulant renier certains engagements.