Après Twitter et Facebook, YouTube a annoncé jeudi avoir agi à son tour contre une vaste campagne de propagande menée par les autorités chinoises sur les réseaux sociaux pour discréditer la mobilisation en faveur de réformes démocratiques à Hong Kong. La plateforme vidéo a ainsi désactivé 210 chaînes après avoir découvert qu’elles agissaient « de manière coordonnée en mettant en ligne des vidéos liées aux manifestations en cours », a expliqué Shane Huntley, analyste chargé de la sécurité au sein du groupe Google, propriétaire du site.

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Twitter ferme 200.000 comptes
« Nous avons mis au jour le recours à des VPN (réseau virtuel permettant notamment de dissimuler l’origine géographique réelle de la connexion Internet) et d’autres méthodes pour masquer l’origine de ces comptes », a précisé l’expert. « Cette découverte est cohérente avec les observations et actions récemment effectuées par Facebook et Twitter concernant la Chine ». Ces deux autres géants technologiques américains, avaient porté lundi des accusations similaires contre Pékin, soulignant avoir fermé un millier de comptes actifs liés à cette campagne de désinformation. Twitter avait précisé avoir aussi fermé 200.000 autres comptes avant qu’ils ne soient réellement actifs.

« Ces comptes cherchaient délibérément et spécifiquement à semer la discorde politique à Hong Kong et notamment à saper la légitimité et les positions politiques du mouvement de protestation sur le terrain », a expliqué Twitter à propos des comptes actifs suspendus. Facebook avait précisé de son côté que certaines publications des comptes suspendus comparaient les manifestants hongkongais aux combattants du groupe Etat islamique, les qualifiant de « cafards » et leur attribuant de soi-disant projets de meurtres au moyen de lance-pierres.

Crise politique au plus fort depuis juin
Région semi-autonome du sud de la Chine, Hong Kong traverse depuis juin sa plus grave crise politique, avec des manifestations et autres actions presque quotidiennes pour demander davantage de libertés. Si Pékin a officiellement laissé les coudées franches à l’exécutif local et à sa police pour régler la situation, les actions de Twitter, Facebook, et désormais Google montrent en fait qu’il n’en est rien.

Facebook avait précisé de son côté que certaines publications des comptes suspendus comparaient les manifestants hongkongais aux combattants du groupe Etat islamique, les qualifiant de «cafards» et leur attribuant de prétendus projets de meurtres au moyen de lance-pierres.

Région semi-autonome du sud de la Chine, Hongkong traverse depuis juin sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession en 1997, avec des manifestations et autres actions presque quotidiennes pour demander davantage de libertés.

La mobilisation a souvent tourné en affrontements ces dernières semaines entre militants radicaux et forces de l’ordre. Cela s’est traduit par des menaces d’intervention plus pressantes du gouvernement central chinois, qui a qualifié le mouvement de «terroriste».

Pékin a cependant officiellement laissé les coudées franches à l’exécutif local et à sa police pour régler la situation.

En coulisses, le gouvernement central déploie d’importants efforts pour tenter d’influencer l’opinion, affirment cependant Twitter, Facebook, et désormais Google.

Le ministère chinois des Affaires étrangères a assuré via un porte-parole «ne pas être au courant de la situation».

De son côté, le centre d’analyse géopolitique Soufan Center estime bel et bien que «Pékin mène sur internet une campagne de désinformation visant à démultiplier le soutien manifesté aux autorités de Hongkong», une méthode inspirée par la Russie selon l’ONG basée à New York.

Pour ce faire, le gouvernement chinois utilise sur les réseaux sociaux des «robots, trolls et autres comptes ‘faux-nez’» pour présenter les mouvements en cours à Hongkong comme le fruit «d’une ingérence étrangère», accuse le Soufan Center.

L’organisation estime toutefois qu’il est difficile de mesurer l’impact réel de cette propagande chinoise à Hongkong, où la population a accès à Twitter et Facebook, contrairement à la Chine continentale où ces réseaux sont officiellement interdits et bloqués par la censure.

Les réseaux sociaux chinois, étroitement contrôlés par les autorités, ont quant à eux abondamment utilisé le mot-clef «Bas les masques», qui aurait été lancé par le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir, relève le Soufan Center. Ce mot-clef vise explicitement les manifestants hongkongais qui se couvrent le visage, laissant entendre que cette pratique dissimule des activités criminelles et terroristes.

«Au fur et à mesure des manifestations, l’attitude de la Chine va vraisemblablement devenir plus agressive, à la fois dans le monde réel et virtuel», prévoit l’ONG.

Elle déplore que les réseaux sociaux, qui ont largement contribué au Printemps arabe et à la dénonciation de violation des droits de l’Homme de par le monde, soient à présent détournés par des «gouvernements autocratiques».

PUBLICITÉS ORIENTÉES
« Je reçois des publicités de la CCTV sur YouTube sur la façon dont les Hongkongais aiment la mère patrie », écrit James Griffiths, auteur d’un livre sur le Grand Pare-Feu (Firewall) de la Chine, dans un tweet publié le 9 août. CCTV (de l’anglais China Central Television) désigne la télévision nationale de Chine, qui est entièrement contrôlée par le pouvoir central.

« Les publicités de CCTV comparent directement les manifestants de Hong Kong à des terroristes. Et si tu interdisais ces publicités comme Twitter l’a fait, YouTube ? », écrit un autre, le 20. Sur Reddit, un internaute se plaint que « YouTube est maintenant infesté de publicités des médias chinois disant que les manifestants sont des émeutiers violents, tout en disant que la police fait un excellent travail ».

YouTube, comme de nombreux autres sites occidentaux (Facebook, Twitter, Wikipédia, Instagram, les grands sites de médias), est inaccessible depuis la Chine continentale. La seule façon de s’y rendre est de se servir d’un réseau privé virtuel (VPN) pour contourner les restrictions de Pékin. En conséquence, ces publicités visent manifestement à toucher les Hongkongais et les ressortissants chinois à l’étranger.

Ces encarts publicitaires poussent aujourd’hui des internautes à demander à Google, le propriétaire de YouTube, à prendre des mesures, relève The Verge. « La CCTV montre de la propagande contre les manifestants. Pourquoi aidez-vous le gouvernement chinois à saper la liberté des Hongkongais avec votre plateforme ? », dénonce un autre internaute. « Don’t be evil », réagit l’un d’eux, en citant l’ancien slogan de Google.

RÈGLES PUBLICITAIRES STRICTES
Google accepte la diffusion sur YouTube de publicités ayant trait à la politique. Néanmoins, ces annonces doivent respecter un certain nombre de règles, de façon à éviter la diffusion de contenus inappropriés, par exemple pour intimider un groupe d’individus, et la tenue de déclarations trompeuses. « Les utilisateurs ne doivent en aucun cas douter de la véracité et de la bonne foi des annonces que nous diffusons », écrit Google.

Sur YouTube, la CCTV dispose d’une chaîne principale réunissant 564 000 abonnés. Sous chacune de ses vidéos, YouTube précise qu’elle est financée entièrement ou partiellement par le gouvernement chinois — une mention que la plateforme ajoute pour chaque média, y compris français, afin d’aider l’internaute à savoir qui parle et mieux lutter contre les théories du complot, en s’appuyant sur Wikipédia.