Gravir des escaliers, monter sur des toits, escalader une tour… Il faut savoir prendre de l’altitude pour découvrir la mégapole turque, perchée entre Europe et Asie, dans le calme et la volupté.
La capitale turque recèle un patrimoine architectural très riche : bazars, mosquées, palais, églises.
Rêve éveillé à Balkon
A hauteur d’homme, l’ancienne capitale byzantine est en effervescence permanente. Circulation chaotique dans ses ruelles étroites, brouhaha assourdissant des vapeurs – ces bateaux que l’on prend pour circuler entre l’Orient et l’Occident comme on emprunte le métro à Londres ou à Paris –, architecture anarchique, témoin du passage des différents empires. Pour capter cette énergie sans se laisser submerger, il faut prendre de l’altitude et regarder la ville d’en haut : Istanbul ayant été bâtie sur sept collines, les possibilités ne manquent pas.
Depuis quelques années, les toits-terrasses se multiplient au-dessus des hôtels de luxe. Mais, bien souvent, il n’y a d’authentique que la vue. Les connaisseurs leur préfèrent Balkon : au dernier étage d’un hôtel qui semble abandonné, et dont l’ascenseur tombe souvent en panne, ce bar-restaurant est une institution depuis quinze ans. Au cœur de la ville européenne, à Asmalimescit, là où jadis la musique inondait la rue, de plus en plus de bars ont tiré le rideau. Balkon résiste à la transformation de ce quartier, au sud de l’avenue piétonne Istiklal. A bout de souffle après avoir monté six étages, on ne peut qu’être hypnotisé par la perspective sur les minarets de la ville historique, les tours, la cité moderne et, surtout, le Bosphore, qui s’étend jusqu’à la mer Noire. Lampes guinguettes, tables en bois jetées les unes à côté des autres, chaises pliables sur lesquelles un chat bouffi se promène… L’ambiance et la déco sont résolument détendues. Au menu, pas de cocktails hors de prix, mais des pizzas et des bières que l’on boit en suivant la danse des mouettes, maîtres éternels de la ville millénaire.
Montée dans les tours à Galata
Construite en 1348, la tour de Galata est le symbole du quartier de Péra (aussi appelé Galata ou Karaköy), l’ancienne cité génoise de Constantinople, qui s’étend du sud de Taksim jusqu’à la Corne d’Or. Elle formait le principal bastion des fortifications de la citadelle. Après 1453 et la prise de la ville par les Ottomans, elle a servi de phare, de prison, puis de tour d’observation afin de prévenir les incendies. L’inventeur Hezârfen Çelebi se serait même élancé de son sommet, en 1632, pour planer jusqu’à la rive asiatique grâce à des ailes de sa fabrication.
Mezzés zélés chez Mukellef
Un temps boudées par la jeunesse turque, les meyhanes, ces tavernes où l’on mange et discute pendant des heures autour de mezzés et de raki font leur retour en force. Chez Mukellef, le chef star Arda Turkmen mise sur la fraîcheur des produits et juste ce qu’il faut de créativité pour faire le plein tous les soirs. Poulpe mariné à l’orange, calamars grillés, tzatziki et grillades s’accompagnent de la boisson traditionnelle à l’anis.
Temps suspendu au Corinne Hotel
En bas d’une ruelle pavée du quartier bohème de Çukurcuma, la nostalgie parfume les murs de cet immeuble centenaire. Dessiné par le célèbre architecte ottoman Kemalattin Bey, dont le visage orne les billets de 20 lires, il a servi de studio de cinéma avant d’être transformé en boutique hotel en 2013. Escaliers en marbre, hauts plafonds, parquet en chêne, l’hôtel ne manque pas de cachet, ni de générosité : servi sur la terrasse face à la presqu’île historique, le petit déjeuner est gargantuesque.
Jardin secret à Balat
Peu de Stambouliotes non pratiquants traversent le labyrinthe de ruelles de l’ancien quartier juif de Balat pour gravir la colline de Fatih. C’est ici, loin du vacarme de la ville, que se dresse, depuis 1522, la mosquée Selim Ier. Depuis ses jardins surplombant la Corne d’Or, Istanbul se dévoile tout autre. Impassible et si calme.