
La tentative de l’UE, particulièrement préconisée par la France, d’adopter une approche unifiée de la fiscalité numérique a échoué pour le moment. Cela s’explique principalement par les inquiétudes suscitées par les États-Unis concernant la taxation des activités numériques, considérée comme discriminatoire et par conséquent l’imposition de tarifs de rétorsion à l’encontre de l’UE. Cela a toutefois poussé plusieurs pays, y compris la République tchèque, à adopter des approches individuelles.
Pourquoi taxer?
La principale raison de taxer est d’égaliser les chances. Selon l’UE, les entreprises numériques ont payé un taux d’imposition moyen de 9,5% l’année dernière, alors que les entreprises traditionnelles ont dû débourser 23,2%. Une autre raison est de faire payer aux entreprises les coûts supplémentaires découlant de leurs activités pour le trésor public. Uber et Amazon, par exemple, imposent d’importantes contraintes supplémentaires aux infrastructures de transport.
Que taxer?
La fiscalité traditionnelle des entreprises est principalement axée sur les bénéfices. Avec les entreprises numériques, il est plus difficile d’identifier l’origine des profits et il est plus facile pour les entreprises numériques de «transférer» leurs bénéfices. Ceux d’entre vous qui utilisent Amazon n’ont peut-être pas remarqué que, même si les marchandises peuvent être expédiées du Royaume-Uni, d’Allemagne ou de la République tchèque, les factures sont souvent émises par une filiale luxembourgeoise. Différents pays ont proposé différentes solutions: la France et l’Autriche veulent taxer les revenus générés localement de plateformes en ligne telles qu’Uber et les entreprises de publicité en ligne au taux respectif de 3% et 5%; La Slovaquie cible les sociétés fiscales étrangères disposant d’un impôt traditionnel sur les sociétés en modifiant la manière dont elles classent leur présence fiscale. Le Royaume-Uni prévoit une taxe de 2% sur la valeur créée dans les activités de services numériques (médias sociaux, moteurs de recherche, marchés en ligne) par les utilisateurs britanniques.
Que propose le gouvernement tchèque?
Le gouvernement tchèque a introduit une législation qui, espère-t-il, entrera en vigueur à la mi-2020. Il est proposé de fixer un taux de taxe de 7% sur certains services numériques spécifiques. Ceux-ci sont:
campagnes publicitaires ciblées sur une interface numérique pour les utilisateurs de cette interface;
utilisation d’interfaces numériques multi-faces permettant aux utilisateurs de rechercher et d’interagir avec d’autres utilisateurs;
vente de données d’usager provenant de l’activité de l’utilisateur sur des interfaces numériques.
Celles-ci viseront les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 750 millions d’euros et qui disposent également de services taxables en République tchèque de 50 millions de CZK au cours d’une année civile. «La taxe numérique s’appliquera aux principaux acteurs mondiaux et répondra à l’échec des négociations au niveau de l’UE jusqu’à présent, ainsi qu’à la lenteur des progrès de la solution globale de l’OCDE. La discussion ne porte pas sur la question de savoir s’il faut introduire cette taxe, mais à partir de quand, sous quelle forme et à quel montant. La République tchèque figurera parmi les pays ayant trouvé des réponses à ces questions. Cela envoie un signal politique clair pour accélérer la coopération au niveau international », a déclaré la ministre des Finances, Alena Schillerová.
Lukáš Kovanda (économiste en chef chez Czech Fund) craint que la République tchèque ne soit mêlée à une confrontation plus large sur la taxation numérique entre la France et les États-Unis, ce qui conduira les États-Unis à imposer des droits de douane à l’ensemble de l’UE.
Leonid Bershidsky, qui écrit pour Bloomberg, pense que la République tchèque a la bonne approche pour cibler la publicité basée sur des données personnelles. La taxation des clics sur les publicités diffusées dans un pays donné nécessitera également une plus grande divulgation des données analytiques des géants numériques, ce qui accroîtra la transparence. «La République tchèque est un petit pays, mais elle peut servir d’exemple à ses grands voisins et même aux États-Unis».
L’approche de la République tchèque semble viser à comprendre le fonctionnement réel de l’économie numérique au lieu d’adapter les approches fiscales traditionnelles à l’économie numérique. Cela doit sûrement être la voie à suivre.