Sous la pression des critiques et d’un marché de plus en plus concurrentiel en raison du plein emploi aux États-Unis, le géant de l’e-commerce a décidé de fixer le salaire de base de ses employés à 15 dollars de l’heure (12,90 euros). Cela représente le double du salaire minimum en vigueur aux États-Unis.

Quand l'employeur précaire devient l'avocat des salaires dignes.
Quand l’employeur précaire devient l’avocat des salaires dignes.

Même s’il est motivé par la volonté d’atténuer les critiques et par une conjoncture économique favorable aux employés, avec un taux de chômage historiquement bas (3,9% aux États-Unis), Amazon frappe un grand coup. Le géant de l’e-commerce a annoncé qu’il va fixer le salaire minimum de ses employés aux États-Unis à 15 dollars de l’heure (12,9 euros), à partir du 1er novembre. Amazon va donc payer le double du salaire minimum en vigueur dans le pays, fixé à 7,25 dollars de l’heure.

La mesure est loin d’être anecdotique puisqu’elle concernera plus de 250.000 employés (un tiers de l’effectif global d’Amazon), pour l’essentiel basés dans les entrepôts pour préparer les commandes. Les salariés de la chaîne de supermarchés bio Whole Foods, rachetée l’année dernière, sont aussi concernés, tout comme 100.000 employés saisonniers qui seront embauchés à travers le pays pour la période des fêtes.

Quand l’employeur précaire devient l’avocat des salaires dignes.
Dans un communiqué, la firme dirigée par l’homme le plus riche au monde, Jeff Bezos, dit avoir “écouté les critiques” et se permet même de se poser en avocat des augmentations de salaire pour les travailleurs les plus précaires.

“Nous sommes heureux de ce changement et nous encourageons nos concurrents et les autres grands pourvoyeurs d’emplois à nous rejoindre”, a déclaré Jeff Bezos.

Si les salaires chez Amazon varient selon les États, la hausse représentera concrètement entre 3 et 5 dollars. L’entreprise s’engage également à militer pour que le salaire minimum aux États-Unis, actuellement de 7,25 dollars de l’heure, soit augmenté.

La situation ne manque pas de cynisme. S’il est exact que le geste d’Amazon, deuxième capitalisation boursière mondiale derrière Apple, est symboliquement fort et d’une grande ampleur étant donné sa taille, il n’est pas non plus totalement désintéressé. En raison du plein emploi actuel aux États-Unis, la firme de Seattle, toujours en hyper-croissance, doit se montrer plus attractive pour conserver sa main d’oeuvre et recruter.

Surtout, Amazon, 21 ans d’existence, n’a jamais été un employeur modèle pour ses “pickers”, les employés qui vont chercher les produits dans les entrepôts. Jusqu’à présent, ils étaient payés 12,45 dollars de l’heure (10,80 euros) d’après le site Payscale. Le géant de Seattle fait aussi l’objet de critiques très vives pour ses mauvaises conditions de travail et son manque de sécurité de l’emploi. Y compris en France, où un récent rapport sur l’entrepôt de Montélimar a dévoilé une situation “critique”, avec la mise en place d’objectifs de productivité quasi-intenables.

Les “ouvriers du clic” d’Amazon Mechanical Turk gagnent moins de 5 dollars par heure
Des grèves contre les conditions de travail pratiquées par Amazon se sont récemment tenues en Italie, en Espagne et en Allemagne. De manière générale, l’ONU a alerté sur la situation des “ouvriers du clic” dans un rapport dénonçant “le retour du taylorisme sans la loyauté ni la sécurité de l’emploi”. Amazon était particulièrement ciblé à cause de sa filiale Amazon Mechanical Turk, une plateforme de “micro-travail” qui vise à faire effectuer par des travailleurs indépendants, contre rémunération, des tâches plus ou moins complexes, dans des domaines où l’intelligence artificielle est encore trop peu performante, par exemple l’analyse du contenu d’images.

Ces “ouvriers du clic” d’Amazon sont payés, d’après l’ONU, moins de 5 dollars par heure, soit largement moins que le salaire minimum. Amazon Mechanical Turk n’est logiquement pas concerné par la décision de Jeff Bezos, puisqu’il s’agit d’une filiale qui a recours à des travailleurs indépendants, et dans laquelle Amazon ne joue qu’un rôle d’intermédiaire entre des commanditaires et des travailleurs, tout en prélevant une commission sur chaque tâche de 20%.