La Slovénie se bat pour son eau, pourtant protégée par la Constitution
La Slovénie se bat pour son eau, pourtant protégée par la Constitution

La valeur économique et marchande de l’or bleu pose question, à l’occasion de la Journée internationale de l’eau, lundi 22 mars. En Slovénie, où l’eau est un bien constitutionnel non privatisable depuis 2016, les débats courent toujours pour traduire ce principe en actes législatifs.

À l’occasion de la Journée internationale de l’eau ce lundi 22 mars, le défenseur des droits slovène, Peter Svetina, a prévenu, à propos de la législation existante : « Nous ne pouvons en aucun cas être satisfaits de la simple inclusion du droit à l’eau potable dans la Constitution ». Le petit pays alpin de 2 millions d’habitants s’était pourtant distingué par un geste fort, en 2016, en l’intégrant dans sa Loi fondamentale. Adopté à l’unanimité au Parlement, l’article 70a affirme que la fameuse molécule H2O n’est « pas une marchandise », que « chacun a le droit à l’eau potable », et que « l’approvisionnement en eau de la population est assuré par l’État via les collectivités locales, directement et de façon non lucrative ».

Un droit incomplet
L’initiative, une première dans l’Union européenne (1), visait notamment à se protéger de l’appétit de grandes entreprises internationales. Une crainte qui s’est par la suite vérifiée ailleurs, alors que l’eau est cotée depuis décembre dernier à la Bourse de Chicago, malgré les protestations de 250 ONG, voyant là de possibles dérives vers une « financiarisation de la nature ».

Pour Peter Svetina, ce danger n’est pas du tout écarté en Slovénie. « Comme il est clair que la quantité d’eau potable est limitée dans le monde entier, l’eau est un produit économique important, et l’idée selon laquelle elle ne serait pas un bien public, mais commercial, est de plus en plus enracinée », constate-t-il, alors que le Parlement examine en ce moment une nouvelle loi sur l’eau. « Il est nécessaire d’adopter immédiatement les réglementations nécessaires pour lesquelles le délai de mise en œuvre a expiré depuis mai 2018 », poursuit le défenseur des droits.

Des projets contestés
En Slovénie, le gouvernement de centre gauche au pouvoir en 2016 a fait place en mars 2020 à celui du conservateur Janez Jansa, un proche du leader populiste hongrois Viktor Orban. Officiellement, l’objectif reste le même : réduire par deux la pollution des eaux d’ici à 2030.

Les moyens pour l’atteindre augmentent. Mais les ONG environnementales s’inquiètent d’un amendement introduit dans le projet de loi. Le texte autoriserait en effet la construction d’infrastructures (dont des usines de traitement des déchets) dans des zones protégées, au risque de contaminer les sites préservés jusqu’à présent.

Les opinions divergent également sur le projet du gouvernement de construire des barrages hydroélectriques dans le bassin de la Save, un affluent du Danube. Alors que 30 % de l’électricité est déjà produite par la force de l’eau, le ministre de l’environnement, Andrej Vizjak, assure que ces grands travaux permettraient d’atteindre l’objectif fixé au niveau européen d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Pour obtenir gain de cause et annuler ces projets, ONG et collectivités locales n’écartent pas un recours constitutionnel, et pourquoi pas un référendum, convaincues qu’elles obtiendront le soutien des Slovènes, pour qui l’eau est source de fierté nationale.

(1) En 2011, la Cour constitutionnelle italienne a jugé inconstitutionnelle une loi de privatisation des services de l’eau. L’eau est essentiellement protégée par les constitutions de pays du Sud.

Compilé par le personnel du Conseil du PECO